Désormais, la Cour de Cassation applique strictement l’obligation de sécurité de résultat quant à la protection physique et mentale de ses salariés. Prendre des mesures pour faire cesser le harcèlement moral ne suffit plus, l’employeur est responsable dès l’instant où des faits de harcèlement avérés se sont produits pour ne pas avoir empêché leur survenue.
I. Une obligation de sécurité de résultat imposée à l’employeur.
Cette obligation résulte du code du travail et peut se décliner en 3 points :
1. L’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (art L4121-1).
Dans le but de prévenir et si possible d’éliminer les actes de harcèlement et de violence au sein de l’entreprise, l’employeur doit « prendre en considération l’ensemble des éléments de l’environnement de travail : comportements individuels, mode de management, relations avec la clientèle, mode de fonctionnement de l’entreprise ».
2. L’employeur doit rappeler les dispositions relatives au harcèlement moral inscrites dans le règlement intérieur (art L1321-2 du code du travail).
3. L’employeur doit prendre toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral (art L1152-4 du code du travail).
II. L’évolution récente de la jurisprudence tend vers un durcissement à l’encontre de l’employeur.
Cette obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs est renforcée voire même absolue en l’absence de faute de l’employeur. C’est ce qu’affirme solennellement la Cour de Cassation réunie en chambre sociale le 3 février 2010 à deux reprises :
« l’employeur, tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, manque à cette obligation, lorsqu’un salarié est victime sur le lieu de travail d’agissements de harcèlement moral ou sexuel exercés par l’un ou l’autre de ses salariés, quand bien même il aurait pris des mesures en vue de faire cesser ces agissements ».
Cass.soc. 3 février 2010 n° 08.44019.Margotin c/Ste Stratorg.
Cass .soc. 3 février 2010, n° 08.40144 Vigoureux c/Ste Les Hôtels de Paris.
La passivité de l’employeur est sanctionnée dans un arrêt du 6 janvier 2011 (Cass. Soc. 6 janvier 2011 n° 09.66704).
La Cour de Cassation déclare que « la caisse régionale d’assurance maladie avait manqué à son obligation de sécurité en ne prenant pas les dispositions nécessaires pour protéger la salariée du harcèlement moral, préjudiciable à son état de santé, dont elle avait été victime de la part de son chef de service. La Cour de Cassation confirme la position de la Cour d’Appel qui a caractérisé à la charge de l’employeur un comportement fautif justifiant l’octroi de dommages – intérêts ».
Ces décisions ont manifestement pour but de responsabiliser les employeurs, de les inciter à davantage de prévention sur le risque psycho-social dans l’entreprise pour éviter de voir leur responsabilité mise en cause.
La Cour de Cassation rappelle que les employeurs doivent anticiper et agir en amont et non en aval, une fois les faits de harcèlement portés à leur connaissance.
On assiste à une aggravation de la responsabilité de l’employeur en matière de harcèlement moral.
Le harcèlement moral peut être pratiqué par une personne extérieure à l’entreprise.
La Cour de Cassation dans un arrêt du 1er mars 2011 ( Cass Soc. 1 mars 2011 n° 09.69616.) , rappelle que l’employeur est tenu envers ses salariés d’une obligation de sécurité de résultat et que l’absence de faute de sa part ne peut l’exonérer de sa responsabilité. Qu’il doit également répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés.
« Même si l’auteur du harcèlement n’avait aucun lien hiérarchique ni exerçait aucun pouvoir disciplinaire sur la salariée, il exerçait une autorité de fait sur ses salariés. En conséquence, l’employeur doit s’assurer que les personnes qu’il investit d’une quelconque forme d’autorité n’en abuse pas sous peine de voir sa responsabilité engagée ».
Par cet arrêt, la Chambre sociale de la Cour de Cassation privilégie ainsi une conception objective du harcèlement moral, analysée au regard des seules conséquences produites à l’égard du salarié.
L’exigence de protection de l’employeur étant étendue, cela renforce de façon corrélative son obligation de connaissance de la qualité des relations de travail, donc certainement aussi en contrepartie, de surveillance des salariés
III. Une obligation de prévention du harcèlement moral.
L’accord de l’ANI sur le harcèlement et la violence au travail du 26 mars 2010 signé par les partenaires sociaux applicable depuis le 23 juillet 2010 rappelle les définitions du harcèlement et de la violence au travail et invite les employeurs à identifier et prévenir de tels agissements en étroite collaboration avec les différents acteurs de l’entreprise et spécialement les services de santé au travail et le CHSCT.
Parmi les acteurs de la prévention citons :
• Le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Selon l’article 4612.1 du code du travail , le CHSCT a pour mission de contribuer à la protection de la santé physique et mentale ainsi que la sécurité des travailleurs de l’établissement. A cette fin, il propose des actions de prévention du harcèlement moral.
Dans une ordonnance du TGI du 8 octobre 2009 (TGI de Paris 8 octobre 2009 n° 09-57787.), le juge a décidé, « au regard de la mission du CHSCT, que devaient être communiquées les informations sur le contenu du rapport sur le harcèlement moral de Madame X, quand bien même le requérant membre du CHSCT, s’avère personnellement et directement concernées ».
Le CHSCT est consulté sur le règlement intérieur (L4612.12 du code du travail).
• Les délégués du personnel ont pour mission de présenter à l’employeur toutes les réclamations individuelles ou collectives relatives à l’application du Code du travail. Ils peuvent également saisir l’inspection du travail de toutes les plaintes et observations relatives à l’application du code (art L2313.1 du code du travail).
• Le comité d’entreprise formule, à son initiative, et examine, à la demande de l’employeur, toute proposition de nature à améliorer les conditions de travail, d’emploi et de formation professionnelle des salariés ainsi que de leur conditions de vie dans l’entreprise (art L2323.1du code du travail). L’employeur lui transmet pour information le rapport et le programme de prévention du harcèlement moral (art L4612.17 du code du travail).
• L’inspecteur du travail qui peut assister aux réunions du CHSCT (art L4614.11 du code du travail) est aussi instance de recours lorsque le médecin du travail propose une mutation justifiée par l’état de santé physique et mentale du travailleur et que l’employeur refuse (art L4624.1 du code du travail).
La procédure de médiation.
Toute personne s’estimant victime d’un harcèlement peut demander une procédure de médiation, et si le cas est avéré, bénéficier d’un accompagnement médical, psychologique voire juridique de la médiation (art L1152.6 du code du travail).
En cas d’échec de la médiation, ce sera toujours in fine à l’employeur de garantir la santé physique et mentale des travailleurs dans son entreprise.
Conclusion
Pour prévenir ce risque juridique en entreprise, il est nécessaire de sensibiliser tous les managers à la prévention du harcèlement moral, de mettre en place une politique globale de prévention du harcèlement moral en élaborant une charte de prévention du harcèlement moral et un comité interne de prévention du harcèlement moral. Enfin, un protocole serait à mettre en œuvre en cas de harcèlement moral.